La programmation Photomed 2015

Bruno

Boudjelal

CIRCULATION

Pendant dix ans (1993-2003), lors de mon précédent travail, je n’ai pas pu circuler en Algérie et tous les voyages que j’ai réalisés à cette époque étaient circonscrits à quelques lieux bien précis et apparemment sécurisés : dans la famille (à Sétif et sa région) et chez certains amis (à Alger, Annaba, Bejaïa, Oran). J’ai donc, au cours de ces quatre dernières années, orienté mon travail autour de deux idées principales :

- Celle de la circulation à travers ce territoire.
Ma propre circulation, dans une Algérie que, finalement, je ne connais pas si bien et mes rencontres avec des lieux, des gens. Mais aussi la circulation des Algériens en leur propre pays si longtemps empêchés de voyager, à cause de routes trop dangereuses, de faux barrages, de ratissages de l’armée, de rapts, de disparitions forcées...

- Questionner mon appartenance à ce territoire, à ce pays.
En février 2003, j’ai traversé l’Algérie d’est en ouest et j’ai pu y ressentir, à mon grand étonnement, un lien très fort (en dehors de celui de la famille) avec le pays. Comment expliquer cette proximité et cette intimité que j’ai pu ressentir dans des lieux où je n’étais jamais allé, avec des paysages que je ne connaissais pas ou bien des personnes inconnues ? Ces sensations m’ont très fortement perturbé et interrogé pendant longtemps ; j’ai donc décidé d’essayer d’analyser et de comprendre tout cela.

 

La dégradation continue des teintes

Au moment où s’estompe le bruit de fond des commémorations ; L’Algérie s’éloigne encore... L’Algérie est un voyage toujours recommencé. Non pas de ces voyages que l’on aimerait répéter, non, à chaque fois l’obligation nous est faite de tout remettre à plat. L’Histoire ne répond à l’attente de personne. Face à face, les protagonistes de ce drame se regardent en chiens de faïence, dépourvus de ressources rassurantes. L’ Algérie est une montagne accablante que jamais Sisyphe ne gravira. La Méditerranée est un mur, moins honteux que d’autres, mais tout autant infranchissable.

...De la fracture d’origine aux voyages désormais réguliers, Bruno Boudjelal se fait le chroniqueur de sa propre histoire. Derrière chaque image affleurent la curiosité et le doute incessant. C’est moins d’ailleurs le retour et les retrouvailles que l’angoisse de s’aventurer dans le superficiel qui dirige le photographe vers des lieux choisis d’avance. L’homme, plus que le photographe, est en quête d’une histoire singulière, certes, mais avant tout il se met à la recherche d’hommes res- pectables. S’il prend la route, c’est avec la ferme volonté de ne pas en découdre avec le passé mais avec le présent.

...La nuit et le jour, le jour et la nuit; les villages et les villes se suivent dans la dégradation continue des teintes. Dans ces nuits floutées, aux lumières faiblement colorées, Bruno Boudjelal ne poursuit ni les corps, ni les sensations fortes et encore moins les vies perdues. Dominant le tout, l’événement qui commande la prise de vue, qui façonne le tirage, l’ennui.

Cet incommensurable ennui qui soude les algériens malgré les bruits familiers, les jeux de ballon et les ballades amoureuses. Une des choses les plus pénibles de la peu glorieuse époque est incontestablement cette langueur qui a saisi les corps. Spleen sans aucune discordance, dans un temps inorganique où jamais rien ne change. Maudite photographie, parfaite métaphore d’un temps arrêté.

Extraits d’un texte de François Cheval, conservateur du musée Nicéphore Niepce de Chalon-sur-Saône

À Corinne, Mona et Nejma...

Ce travail a pu être réalisé grâce au soutien du Musée Nicéphore Niepce de Châlon-sur-saône, d’Autograph-ABP à Londres, de l’Institut Français d’Alger, de l’Ambassade de France en Algérie, du CNAP (Fond d’aide à la photographie 2011), et de l’Institut Français (Villa Médicis Hors les Murs 2012).

Un grand merci à François Cheval qui le premier m’a soutenu sur ce projet.

Bruno Boudjelal

Ouverture de 11h à 19h tous les jours sauf le lundi.

 

Extrait

© La grande digue, Bruno Boudjelal,  15 juin 2011, Alger, Algérie

© Une Cité à Bardjarah, lieu d'émeutes très importantes en 2010-2011, 15 juin 2011, Alger, Algérie

 

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